Vu la requête enregistrée le 7 septembre 2012, présentée pour M. Kouadio Benjamin B==, demeurant ==, par Me Deledalle ;

M. B== demande à la cour :

1°) d’annuler le jugement n° 1100686 du 21 juin 2012 du tribunal administratif de Fort de-France qui a rejeté sa demande tendant à l’annulation de l’arrêté du 9 juin 2011 de la présidente du conseil d'administration de l’institut régional d’art visuel de la Martinique (IRAVM) mettant fin à son détachement en sa qualité de directeur de cet établissement, et à la condamnation de l’institut à lui verser une somme de 150 000 euros en réparation du préjudice subi ;

2°) d’annuler cet arrêté ;

3°) d’ordonner sa réintégration au sein de l’IRAVM ;

4°) de condamner l’IRAVM à lui payer la somme de 150 000 euros en réparation de son préjudice ;

5°) de mettre à la charge de l’IRAVM une somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;


Vu l’ordonnance du 17 juin 2013 fixant la clôture de l’instruction au 12 juillet 2013 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code pénal ;

Vu la loi du 22 avril 1905 ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée ;

Vu la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ; Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 16 septembre 2013: - le rapport de Mme Rey-Gabriac, premier conseiller ; - les conclusions de M. Bentolila, rapporteur public ; - les observations de Me Lienhardt, pour le Campus caribéen des arts ;

Vu la note en délibéré enregistrée le 25 septembre 2013, présentée pour le Campus caribéen des arts, pôle IEA ;

1. Considérant que par un arrêté du 17 décembre 2008 M. B==, maître de conférence des universités, a été détaché pour une durée de cinq ans et nommé, en qualité de directeur de l’institut régional des arts visuels de la Martinique (IRAVM), établissement public d’enseignement supérieur spécialisé en arts plastiques dépendant de la région Martinique, habilité à délivrer des diplômes reconnus par l’Etat ; que par un arrêté du 9 juin 2011, la présidente du conseil d’administration de l’IRAVM a mis fin à son détachement pour faute à compter du 10 juin 2011 ; que M. B== fait appel du jugement du tribunal administratif de Fort de-France du 21 juin 2012 qui a rejeté sa demande tendant à l’annulation de cet arrêté et à la condamnation de l’IRAVM à lui verser une somme de 150 000 euros en réparation de son préjudice ;

Sans qu’il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées par le Campus caribéen des arts, pôle IEA (institut endogène des arts), venant aux droits de l’IRAVM :

Sur les conclusions à fin d’annulation de l’arrêté du 9 juin 2011 :

2. Considérant que M. B== reprend à l’identique son moyen soulevé devant les premiers juges et tiré du non-respect de la règle de la communication préalable du dossier ; qu’il y a lieu par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal administratif d’écarter ce moyen ;

3. Considérant qu’aux termes de l’article 1er de la loi du 11 juillet 1979 : « Les personnes physiques ou morales ont le droit d’être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui (…) retirent ou abrogent une décision créatrice de droits (…) » ; que les décisions qui doivent être motivées en application de ces dispositions doivent faire apparaître les éléments de fait et de droit sur lesquelles elles se fondent ;

4. Considérant que si l’arrêté contesté ne comporte pas l’énoncé des considérations de fait qui en constituent le fondement, la lettre d’accompagnement de cette décision qui a été notifiée en même temps à M. B== en expliquait avec précision les motifs ; que, par suite, l’arrêté du 9 juin 2011 doit être regardé comme suffisamment motivé au regard des exigences de la loi du 11 juillet 1979 même s’il ne se référait pas expressément aux termes de la lettre d’accompagnement ;

5. Considérant qu’aux termes de l’article 432-12 du code pénal : « Le fait, par une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public ou par une personne investie d'un mandat électif public, de prendre, recevoir ou conserver, directement ou indirectement, un intérêt quelconque dans une entreprise ou dans une opération dont elle a, au moment de l'acte, en tout ou partie, la charge d'assurer la surveillance, l'administration, la liquidation ou le paiement, est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende. (…) » ;

6. Considérant que le juge administratif est compétent pour examiner la légalité des décisions d’une autorité administrative au regard des dispositions de l’article 432-12 du code pénal ; que les actes accomplis par un agent public, qui sont de nature à exposer celui-ci à l’application de ces mêmes dispositions peuvent constituer une faute de nature à justifier qu’il soit mis fin à ses fonctions ; qu’ainsi, en se fondant sur des faits qu’elle estimait relever des dispositions de l’article 432-12 du code pénal relatives à la prise illégale d’intérêt, alors même que le juge pénal ne s’était pas prononcé, pour retenir à l’encontre de M. B== une faute de nature à justifier qu’il soit mis fin à son détachement, la présidente du conseil d’administration de l’institut régional des arts visuels de la Martinique n’a pas entaché sa décision d’erreur de droit ;

7. Considérant que le délit prévu par ces dispositions peut être caractérisé par la prise d’un intérêt matériel ou moral, direct ou indirect ; que le fait pour un fonctionnaire chargé de diriger un établissement public de recruter ou de faire recruter son épouse sur un emploi de l’établissement et de lui accorder des avantages est susceptible d’exposer ce fonctionnaire à l’application des dispositions de l’article 432-12 du code pénal ;

8. Considérant qu’il est reproché à M. B== d’avoir fait recruter son épouse, Mme L==, en qualité de professeur contractuel dans l’établissement d’enseignement qu’il dirigeait et d’avoir favorisé celle-ci dans l’exercice de ses fonctions ; que si Mme L== a été nommée, par contrat du 16 juin 2009, signé du président de l’IRAVM en qualité de professeur territorial d’enseignement artistique pour la période du 1er septembre 2009 au 31 août 2012, cette nomination ne pouvait intervenir, selon l’article IX des statuts de l’institut régional d’arts visuels, que sur proposition du directeur ; qu’il ressort des pièces du dossier que M. B==, en sa qualité de directeur de l’institut, avait la maîtrise de la procédure de recrutement du personnel et autorité sur celui-ci ; qu’il est ainsi intervenu activement dans le recrutement de son épouse, notamment pour régulariser son dossier auprès des services en charge du contrôle de légalité et lui attribuer des heures de cours alors que les enseignants de l’institut ne faisaient pas leur quota d’heures statutaires ; que Mme L== avait d’ailleurs pour ce motif présenté sa démission dès le 31 septembre 2009, démission que son époux a déclaré accepter par lettre du 2 octobre 2009 avant que celle-ci ne décide de se raviser par lettre du 9 novembre 2009 en déclarant qu’il n’y avait pas eu interruption de son service ; qu’il ressort également des pièces du dossier que M. B== a ensuite nommé Mme L== coordonnatrice de la recherche de l’institut, permettant de lui attribuer une prime spécifique, et a organisé en mai 2010 un colloque dont le thème était le sujet de la thèse préparée par son épouse et dont l’un des principaux intervenants était le directeur de thèse de l’intéressée ; que les nombreux témoignages circonstanciés émanant des membres du personnel, produits au dossier par le Campus caribéen des arts, venant aux droits de l’IRAVM, et qui attestent de la situation privilégiée dont n’a cessé de bénéficier Mme L== au sein de l’établissement dirigé par son mari, ne sont pas sérieusement contredits par le requérant ; que, dans ces conditions, alors même que le recrutement de Mme L== n’a pas été remis en cause, qu’aussi bien l’ancien président que la nouvelle présidente du conseil d’administration connaissaient parfaitement le lien matrimonial l’unissant à M. B== et que les primes de coordination de la recherche ont été versées à l’intéressée avec l’accord de la présidente, les actes accomplis par M. B== tant pour faire recruter son épouse dans l’établissement dont il avait la direction que pour la faire bénéficier d’une situation avantageuse, étaient de nature à exposer ce fonctionnaire à l’application des dispositions de l’article 432-12 du code pénal ; que la faute ainsi commise était de nature à justifier qu’il soit mis fin à son détachement en qualité de directeur de l’IRAVM ;

9. Considérant que le motif tiré de la prise illégale d’intérêt suffit à lui seul à justifier la mesure qui a été prise ; que, dès lors, la contestation des autres motifs de la décision en litige est inopérante ;

10. Considérant que le détournement de procédure ou de pouvoir allégué n’est pas établi ;

11. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que M. B== n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Fort-de-France a rejeté sa demande tendant à l’annulation de l’arrêté du 9 juin 2011 ;

Sur les conclusions à fin d'indemnité :

12. Considérant qu’il résulte de ce qui a été dit précédemment qu’en mettant fin au détachement de M. B==, la présidente de l’IRAVM n’a pas commis de faute ; que, dès lors, les conclusions du requérant tendant à être indemnisé du préjudice qu’il a subi du fait de l’illégalité de cette décision ne peuvent qu’être rejetées ainsi que l’ont fait les premiers juges ;

13. Considérant que le tribunal administratif a également rejeté la demande de M. B== tendant à être indemnisé de ses frais de déménagement et de transport pour son retour en métropole, au motif qu’il n’établissait, pas, en l’absence de tout justificatif, la consistance de son préjudice ; que le requérant, qui ne critique pas le rejet de sa demande et n’apporte aucun justificatif en appel, n’est pas fondé à demander la réformation du jugement attaqué sur ce point ;

Sur les conclusions à fin d’injonction :

14. Considérant que le présent arrêt qui rejette les conclusions de M. B==, n’appelle aucune mesure d’exécution ; que, par suite, ses conclusions tendant à ce qu’il soit enjoint au Campus caribéen des arts de le réintégrer dans ses fonctions doivent être rejetées ;

Sur les conclusions présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

15. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge du Campus caribéen des arts, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. B== demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu’en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce de mettre à la charge de M. B== le versement au Campus caribéen des arts d’une somme de 1 000 euros sur le fondement des mêmes dispositions ;

DECIDE

Article 1er : La requête de M. B== est rejetée.

Article 2 : M. B== versera au Campus caribéen des arts la somme de 1 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.